Buis et maladies : quelles variétés planter pour un jardin durable ?

16 juin 2025

Le buis, un patrimoine végétal mis à l’épreuve

Le buis (Buxus spp.) fait partie du paysage depuis des siècles, sculptant les jardins à la française, ornementant parcs et cimetières, et s’intégrant parfaitement dans nos haies et topiaires. Pourtant, depuis le début des années 2000, ce symbole de robustesse et d’élégance subit de plein fouet l’assaut de deux ennemis redoutables : la pyrale du buis (Cydalima perspectalis) et la redoutable maladie cryptogamique, le cylindrocladium (Cylindrocladium buxicola). Entre pertes dévastatrices et jardiniers démunis, la question n’est plus seulement de soigner, mais surtout de choisir judicieusement les variétés de buis et les alternatives.

Comprendre les nouvelles menaces : pyrales et maladies fongiques

L’arrivée de la pyrale du buis en France date de 2008, repérée d’abord en Alsace avant de coloniser la quasi-totalité du territoire en seulement quelques années (source : FREDON France). Ce papillon nocturne pond ses œufs au revers des feuilles, et ses chenilles dévastent le feuillage en un temps record.

  • En 2018, jusqu’à 90% des massifs de buis dans certains domaines publics ont été détruits (source : Parc national des Cévennes).

Cependant, la véritable difficulté réside dans la cylindrocladiose (Cylindrocladium buxicola), un champignon qui provoque des dépérissements fulgurants, tâches noires sur feuilles et rameaux, et cause la chute prématurée du feuillage. En conditions humides (fort taux d’hygrométrie, manque d’aération), la propagation est rapide : le pathogène peut anéantir tout un massif en une seule saison.

  • Le Ruinart Grand Jardin, près de Reims, a perdu plus de 50% de ses sujet en 4 ans.

Face à ce défi, l’industrie horticole et les pépiniéristes cherchent des solutions adaptées. Sélectionner la bonne variété de buis reste le premier réflexe pour qui ne veut pas renoncer à l’effet graphique inimitable du genre Buxus.

La résistance des variétés de buis : Quelles options aujourd’hui ?

L’idée reçue selon laquelle « tous les buis sont égaux devant la maladie » ne tient plus. Plusieurs variétés démontrent une meilleure résistance à la cylindrocladiose, d’autres résistent mieux à la pyrale (grâce à la densité du feuillage, à la repousse plus vigoureuse, etc.). Voici une sélection basée sur les données de l’INRAE, les résultats des jardins botaniques et les retours de terrain.

Buxus sempervirens ‘Faulkner’

  • Hauteur adulte : 1 m à 1,5 m
  • Porte un feuillage plus vert foncé et dense.
  • Montre une résistance accrue à la cylindrocladiose, en particulier en sol bien drainé.

Buxus microphylla ‘Rococo’

  • Feuillage très compact, croissance plus lente.
  • Résistance élevée à la maladie du dépérissement (selon Société Royale d’Horticulture britannique).
  • Avantage supplémentaire : moins attaqué par la pyrale, probablement à cause de la structure du feuillage.

Buxus microphylla var. japonica

  • Feuilles légèrement plus larges et moins délicates.
  • Croissance rapide et vigueur importante, ce qui aide la plante à mieux compenser les pertes foliaires.
  • Particulièrement recommandé en zones plus humides.

Buxus sinica (syn. Buxus harlandii)

  • Originaire d’Asie, donc peu utilisé jusqu’à présent.
  • Montre une bonne résistance, mais nécessite un sol très bien drainé.
  • Alternative appréciée sur les nouveaux massifs expérimentaux (Jardin Botanique de Nancy).

Le cas du buis rustique ‘Green Velvet’

  • Hybride entre B. sempervirens et B. microphylla.
  • Résiste mieux aux maladies et tolère le froid.
  • Testé avec succès dans le parc du château de Villandry depuis 2017.

Quelques statistiques et expériences de terrain

Il ne s’agit pas d’une immunité totale : selon le RHS Box Trials (Royaume-Uni, 2019), ‘Faulkner’ et ‘Rococo’ montrent une diminution de 60 à 70% de l’atteinte par cylindrocladium par rapport au Buxus sempervirens classique. Attention, ces résultats dépendent aussi fortement de la qualité du sol, de l’exposition et de l’entretien (taille, aération, arrosages limités au pied).

  • Dans le parc du château de Chenonceau, la diversité variétale testée a permis de réduire de moitié les traitements chimiques depuis 2020.

5 gestes essentiels pour préserver les buis en place

  1. Opter pour une taille aérée : privilégiez des formes moins denses pour favoriser la circulation de l’air.
  2. Éviter l’arrosage du feuillage : arrosez toujours au pied pour limiter l’humidité sur les feuilles.
  3. Éliminer rapidement les parties malades et désinfecter les outils entre chaque plante.
  4. Favoriser le paillage minéral (graviers, ardoise broyée) pour garder le sol sec autour du collet.
  5. Installer des nichoirs à mésanges qui se régalent des larves de pyrales (INRAE, 2018).

À noter : L’usage de produits phytosanitaires doit être réservé aux grands ensembles publics et en dernier recours, l’accent étant mis aujourd’hui sur la biocontrôle (nématodes, Bacillus thuringiensis).

Et si on osait l’alternative ?

Pour les massifs très exposés ou en cas d’échec répété, il peut être judicieux de se tourner vers des alternatives végétales qui imitent le buis à s’y méprendre… sans les soucis ! Cette approche séduit, autant en vieux jardins qu’en créations contemporaines.

Ilex crenata : le « faux buis » japonais

  • Feuillage très proche, croissance régulière, excellente rusticité.
  • Insensible à la pyrale et aux maladies du buis.
  • Déjà adopté dans de nombreux jardins publics européens, y compris les massifs de palaces de la Côte d’Azur.

Lonicera nitida : le chèvrefeuille arbustif

  • Pousse plus rapide et facile à sculpter.
  • Résiste aux maladies, tolère la pollution et la taille sévère.
  • Fleurs discrètes au printemps, pollinifères mais non envahissantes.

Pittosporum tenuifolium ‘Golf Ball’

  • Feuillage dense, vert brillant toute l’année.
  • Supporte bien la taille en boule ou en haie basse.
  • Plus sensible au froid (-7°C seulement) mais remarquable dans les jardins urbains.

Des critères pour choisir sa variété ou alternative

  • Climat local : humidité, sécheresse, amplitude thermique selon la situation géographique.
  • Qualité du sol : privilégier les sols drainants ; éviter les zones de stagnation d’eau.
  • Sensibilité ou pas à la pyrale dans votre région : vérifiez les signalements locaux (site : FREDON France).
  • Aspect souhaité : haie stricte, topiaire, bosquet lâche…
  • Présence d’animaux amis du jardin : encourager la biodiversité (oiseaux, coccinelles) favorise la résilience des plantations.

Le buis demain : conservation et innovation

Face aux crises sanitaires, l’engagement des pépiniéristes et chercheurs a permis de mettre sur le marché des variétés sans cesse testées en conditions réelles. La dernière décennie a vu émerger de nouvelles sélections issues de croisements (notamment en Belgique et en Allemagne) qui promettent des progrès notables. Les réseaux d’observation, tels que Boxwood Blight Cleanliness Program au Royaume-Uni, permettent de suivre l’évolution des résistances sur plusieurs années.

  • En France, près de 70 000 jeunes plants issus de variétés améliorées ont été testés depuis 2019 (source : Fédération Nationale des Pépiniéristes).
  • Certains jardins historiques, ayant renouvelé tout ou partie de leurs massifs après 2015, affichent aujourd’hui une perte annuelle inférieure à 2% grâce à une politique de diversification variétale (Jardins de Sassy, Orne).

La cohabitation entre buis « classiques », cultivars résistants et alternatives pousse le jardinier à réinventer ses massifs. L’important est de garder à l’esprit que variété, diversité, entretien raisonné et innovation sont les meilleures armes pour préserver la beauté de nos cadres verts.

Pour aller plus loin, il est recommandé de consulter les retours d’expérience réguliers publiés par la Société Nationale d’Horticulture de France (SNHF) ou les résultats de suivis sanitaires menés par FREDON.

Qu’il s’agisse de replanter un jardin historique ou de façonner une mini-topiaire sur le balcon, miser sur les bonnes variétés ou sur les meilleures alternatives n’a jamais été aussi stratégique. Ouvrons la porte à la diversité pour que l’art topiaire continue de s’épanouir, même à l’ère des défis sanitaires !

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